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Samuel Nowakowski
Enseignant-chercheur et consultant en hiumanités numériques au LORIA
Maître de conférence HDR
Revenir sur "Avant-propos"
Or aucune de ces deux approches ne peut donner des réponses uniques. Il nous faut appréhender les phénomènes dans leur complexité, dans leurs nécessaires inter-relations - être humain ne se résume pas à de la biologie ! Être intelligent ne se résume pas à posséder un cerveau ! Et donc l’intelligence artificielle ne peut en rien s’approcher de l’intelligence malgré l’accroissement phénoménal des performances des ordinateurs qui autorisent aujourd’hui des mises en oeuvre informatiques qui paraissaient impensables il n’y a pas si longtemps que cela. Si l’intelligence se résumait à être fort en calcul, ça se saurait ! La puissance de calcul ne permet en aucun cas d’atteindre ne serait-ce que l’horizon de l’intelligence artificielle.
Un des secteurs où les outils de l’intelligence artificielle se sont déployés, c’est le secteur de la santé. Ses applications, qui concernent toutes les activités humaines, permettent notamment d’améliorer la qualité des soins. L’IA est en effet au cœur de la médecine du futur, avec les opérations assistées, le suivi des patients à distance, les prothèses intelligentes, les traitements personnalisés grâce au recoupement d’un nombre croissant de données (big data), etc. Par exemple, la robotique comme sous-domaine spécifique de l’IA vise à augmenter l’autonomie des machines en les dotant de capacités perceptuelles, décisionnelles et d’action. Dans cette catégorie, on retrouve la chirurgie assistée par ordinateur qui permet d’améliorer la précision des gestes ou d’opérer à distance. Les prothèses intelligentes visent quant à elles à réparer, voire augmenter le corps humain : membres ou organes artificiels (bras, cochlée, cœur, sphincter…), simulateur cardiaque, etc. Les robots d’assistance aux personnes, âgées ou fragiles par exemple, représentent un troisième secteur très médiatisé et en fort développement. Cette robotique de service vise à imiter le vivant et à interagir avec les humains. Elle soulève de nombreux problèmes éthiques, portant notamment sur la protection de la vie privée et des données personnelles, mais aussi sur les conséquences d’un brouillage de la frontière humain-robot.
D’autres applications des facultés d’apprentissage de ces outils permettent d’envisager des développements dans ce que nous appelons la médecine prédictive. A partir de grands échantillons d’apprentissage, on peut entraîner les programmes à identifier les signes avant-coureurs de pathologies. Le but de ces outils est alors d’exploiter l’ensemble des données disponibles afin de fournir l’information au bon moment et au bon niveau pour aider le médecin et non le remplacer.
Des développements encore plus intéressants pour ces objectifs sont attendus avec le développement d’algorithmes d’apprentissage non supervisé (sans apprentissage préalable sur des échantillons). Ils permettront de recouper rapidement un très grand nombre de données afin d’identifier des structures cachées et de déterminer des catégories d’intérêt pour la tâche visée. Par là, on espère pouvoir mieux identifier des facteurs de risques, personnaliser les traitements et en vérifier l’efficacité, prédire les épidémies ou améliorer la pharmacovigilance.
Cauchemar ou rêve ou réalité que l’intelligence artificielle ? La science-fiction l’a souvent dépeinte comme une potentielle menace pour l’humanité. Mais ne constitue-t’elle pas un miroir tourné vers nous visant à nous rappeler nos travers... Et donc, si les I.A. acquièrent nos défauts et les exacerbent, peut-être faut-il réfléchir à la manière dont nous les programmons.
Pénétrant de plus en plus de secteurs de nos vies, il va être essentiel de s’assurer qu’elles ne causent pas plus de tort que de bien. Parce que, oui, ces programmes informatiques sont d’abord et avant tout des alliés qui peuvent grandement faciliter la vie de chercheurs, de médecins, … Et pour finir revenons à Philip K. Dick, à l’humain et à « la question [non triviale] de savoir ce que signifie être humain face aux machines. Nous ne devrions pas tant avoir peur des robots, que d’avoir peur de devenir nous-mêmes des robots. Il nous faut introduire des valeurs humaines dans la technologie plutôt que la technologie n’introduise ses valeurs dans notre humanité. Pour cela, il faut être capable de mesurer quand une technologie est déshumanisante ou quand les humains ne pensent pas ou ne se comportement pas en humains. "
Références
Philip K. Dick. Si ce monde vous déplaît… et autres essais
Eduardo Kohn. Comment pensent les forêts.
Samuel Nowakowski. https://nowakowski.hypotheses.org